Cyrano de Bergerac à la Comédie-Française
"Ahhh Cyrano que c'est beau !"... aurait pu dire Madame Michu dans le foyer de la Comédie-Française. Une Madame Michu qui fut sans doute à la fête hier soir. Pensez donc, Cyrano ! Mais pas n'importe lequel voyons, pas avec ces stupides dictions intelligibles ni ces ridicules mises en scène qui émeuvent, non rien de tout cela, mais un bon vrai Cyrano, avec de l'action et de la pétarade, du glamour et des paillettes. Ouf !
C'est le Cyrano de Podalydès. Qui ne respecte pas le texte (début refondu en un hommage aux sociétaires honoraires, pourquoi pas...), ni la lettre ("Enfin, je l'aime. Il faut d'ailleurs que je vous die /
Que je ne l'ai jamais vu qu'a la Comedie" devenant "que je vous dise"), ni l'esprit (le drame devient une farce potache). Podalydès mélange les époques (subtil moyen de parler de l'intemporalité de Cyrano ? du jamais vu...) XVI° et Belle Epoque sous couvert de montrer la représentation en train de se faire. C'est du moins ce que semble montrer le premier acte : des comédiens début XX° montent Cyrano (XIX°) dans lequel on voit Montfleury (XVII°). Mais une figure de style n'a d'intérêt que si elle sous-tend un discours. Une mise en abyme ? pourquoi pas, mais il fallait tenir le parti jusqu'au bout. Et le fil conducteur se délite rapidement, la naissance de l'amour de Roxane et Christian se faisant platement au milieu de machinistes "bonhomme". Et puis Cyrano comme allégorie du théâtre ? On a fait mieux... L'Illusion comique certes, mais pas Cyrano...
Ce sont les poètes qui viennent piller la pâtisserie de Ragueneau et qui parlent la bouche pleine. C'est pourtant Ragueneau que l'on ne comprend pas, ou au mieux un mot sur deux. Le reste de la distribution est à l'avenant, tous parfaitement oubliables. Léonie Simaga est consternante en Roxane. A part le timbre, joli, rien ne va. Outre qu'elle n'a pas le physique du rôle, elle n'a de Roxane ni la grâce, ni l'esprit. La précieuse n'est pas une greluche, il faut arrêter de penser cela ! Ce sont les précieuses qui ont affiné la langue, poli les moeurs et l'aristocratie, promu un idéal de raffinement, encouragé et protégé les poètes. Sa précieuse est une Barbie. Si elle fait encore illusion dans la belle robe de Christian Lacroix à son apparition, elle ne ressemble plus à rien [si ! à Jennifer Lopez !] dans sa combinaison d'aviateur sur le champ de bataille. Et que dire de l'interprétation ? Où est le mélange d'égoïsme et d'amour éthéré qui la rend excusable lorsque Roxane dit à Cyrano qu'il lui racontera sa bataille une autre fois, bataille dont elle n'a désormais que faire ? Savoir crier ne fait pas les héroïnes, le glissement progressif de l'amour précieux à l'amour vrai passe inaperçu, de même que la découverte de l'auteur des lettres de Christian. "Comme vous la lisez sa lettre" est débité par la voix anônante de l'enfant de CP qui lit une comptine... Alors évoquer au début Geneviève Casile qui savait ce que port et intonations veulent dire n'était peut-être pas la meilleure des idées. Et ce n'est pas vivre dans le passé que dire cela. On ne manque pas de bonnes "Roxane" (rôle pas insurmontable d'ailleurs !) : évoquons seulement Anne Suarez au théâtre ou même Nathalie Manfrino (certes c'est à l'opéra, mais si on laisse de côté toute considération technique, l'interprétation du personnage est la même). Vuillermoz n'est pas mal même s'il ne renouvelle en rien l' "air de bravoure" qu'est la tirade des nez et se complaise parfois dans une diction bougonne et peu claire. Rien d'inoubliable... Le Bret et Christian corrects, leur rôles n'en demandent pas plus. Pour rester au Français, pourquoi n'avoir pas proposé Florence Viala ou Elsa Lepoivre en Roxane ? et l'excellent Andrzej Seweryn en Cyrano (on même Gilles David) ?
Alors bien sûr il reste des pétards et de beaux décors, on dirait une mise en scène de comédie musicale de Broadway, c'est grand spectacle, c'est héroïque, Madame Michu défaille et applaudit à tout rompre !!
Mais où est Rostand ? Où sont la mélancolie et le panache, la grandeur dérisoire de l'éternel second ?
C'est racoleur et dégoulinant, citons ne serait-ce qu'un "effet poétique" : les gouttes de sang sont figurées par de gros confettis rouges et les feuilles mortes qu'évoque Roxane à la fin sont aussi des confettis rouges : oh !! le clin d'oeil !! Est-ce à dire que les feuilles mortes sont des gouttes de sang ? Joliiiii ! Le champ de bataille est une sorte de Verdun, mais... tout fleuri !! ben oui faut que ce soit zoli pour Madame Michu ! Et un avion bombarde, et il y a de la fumée dans la salle ! Mon dieu, "il y a de belles choses quand même, hein !" On dirait du Laurent Pelly dans ses plus mauvais jours. Podalydès nous a habitués à mieux.
C'est le Cyrano de Podalydès. Qui ne respecte pas le texte (début refondu en un hommage aux sociétaires honoraires, pourquoi pas...), ni la lettre ("Enfin, je l'aime. Il faut d'ailleurs que je vous die /
Que je ne l'ai jamais vu qu'a la Comedie" devenant "que je vous dise"), ni l'esprit (le drame devient une farce potache). Podalydès mélange les époques (subtil moyen de parler de l'intemporalité de Cyrano ? du jamais vu...) XVI° et Belle Epoque sous couvert de montrer la représentation en train de se faire. C'est du moins ce que semble montrer le premier acte : des comédiens début XX° montent Cyrano (XIX°) dans lequel on voit Montfleury (XVII°). Mais une figure de style n'a d'intérêt que si elle sous-tend un discours. Une mise en abyme ? pourquoi pas, mais il fallait tenir le parti jusqu'au bout. Et le fil conducteur se délite rapidement, la naissance de l'amour de Roxane et Christian se faisant platement au milieu de machinistes "bonhomme". Et puis Cyrano comme allégorie du théâtre ? On a fait mieux... L'Illusion comique certes, mais pas Cyrano...
Ce sont les poètes qui viennent piller la pâtisserie de Ragueneau et qui parlent la bouche pleine. C'est pourtant Ragueneau que l'on ne comprend pas, ou au mieux un mot sur deux. Le reste de la distribution est à l'avenant, tous parfaitement oubliables. Léonie Simaga est consternante en Roxane. A part le timbre, joli, rien ne va. Outre qu'elle n'a pas le physique du rôle, elle n'a de Roxane ni la grâce, ni l'esprit. La précieuse n'est pas une greluche, il faut arrêter de penser cela ! Ce sont les précieuses qui ont affiné la langue, poli les moeurs et l'aristocratie, promu un idéal de raffinement, encouragé et protégé les poètes. Sa précieuse est une Barbie. Si elle fait encore illusion dans la belle robe de Christian Lacroix à son apparition, elle ne ressemble plus à rien [si ! à Jennifer Lopez !] dans sa combinaison d'aviateur sur le champ de bataille. Et que dire de l'interprétation ? Où est le mélange d'égoïsme et d'amour éthéré qui la rend excusable lorsque Roxane dit à Cyrano qu'il lui racontera sa bataille une autre fois, bataille dont elle n'a désormais que faire ? Savoir crier ne fait pas les héroïnes, le glissement progressif de l'amour précieux à l'amour vrai passe inaperçu, de même que la découverte de l'auteur des lettres de Christian. "Comme vous la lisez sa lettre" est débité par la voix anônante de l'enfant de CP qui lit une comptine... Alors évoquer au début Geneviève Casile qui savait ce que port et intonations veulent dire n'était peut-être pas la meilleure des idées. Et ce n'est pas vivre dans le passé que dire cela. On ne manque pas de bonnes "Roxane" (rôle pas insurmontable d'ailleurs !) : évoquons seulement Anne Suarez au théâtre ou même Nathalie Manfrino (certes c'est à l'opéra, mais si on laisse de côté toute considération technique, l'interprétation du personnage est la même). Vuillermoz n'est pas mal même s'il ne renouvelle en rien l' "air de bravoure" qu'est la tirade des nez et se complaise parfois dans une diction bougonne et peu claire. Rien d'inoubliable... Le Bret et Christian corrects, leur rôles n'en demandent pas plus. Pour rester au Français, pourquoi n'avoir pas proposé Florence Viala ou Elsa Lepoivre en Roxane ? et l'excellent Andrzej Seweryn en Cyrano (on même Gilles David) ?
Alors bien sûr il reste des pétards et de beaux décors, on dirait une mise en scène de comédie musicale de Broadway, c'est grand spectacle, c'est héroïque, Madame Michu défaille et applaudit à tout rompre !!
Mais où est Rostand ? Où sont la mélancolie et le panache, la grandeur dérisoire de l'éternel second ?
C'est racoleur et dégoulinant, citons ne serait-ce qu'un "effet poétique" : les gouttes de sang sont figurées par de gros confettis rouges et les feuilles mortes qu'évoque Roxane à la fin sont aussi des confettis rouges : oh !! le clin d'oeil !! Est-ce à dire que les feuilles mortes sont des gouttes de sang ? Joliiiii ! Le champ de bataille est une sorte de Verdun, mais... tout fleuri !! ben oui faut que ce soit zoli pour Madame Michu ! Et un avion bombarde, et il y a de la fumée dans la salle ! Mon dieu, "il y a de belles choses quand même, hein !" On dirait du Laurent Pelly dans ses plus mauvais jours. Podalydès nous a habitués à mieux.
Salle Richelieu. La Comédie-Française. Cyrano de Bergerac, comédie héroïque en cinq actes d'Edmond Rostand. Mise en scène : Denis Podalydès. Avec : Michel Vuillermoz, Cyrano de Bergerac ; Léonie Simaga, Roxane ; Loïc Corbery, Christian ; Christian Cloarec, de Guiche ; Grégory Gadebois, Ragueneau ; Pierre-Louis Calixte, Le Bret... 01.03.2009.